RDC : Vital Kamerhe s’est-il pris les pieds dans la nasse ?

Au lendemain de l’ouverture, puis de l’ajournement au 25 mai, du procès visant le directeur de cabinet du chef de l’Etat, Vital Kamerhe, il importe de revenir sur les éléments qui seront lourds de conséquences dans les prochaines semaines, surtout au moment du verdict qui sera prononcé par les juges.

Les apparences sont souvent trompeuses au tribunal. Au pénal, il faut toujours s’attendre à des rebondissements jusqu’à la fin de la procédure. Il en est ainsi du procès de Vital Kamerhe, directeur de cabinet du président congolais Félix Tshisekedi. Les militants de son parti, l’Union pour la nation congolaise (UNC), ont vu de la pugnacité chez leur champion à l’ouverture de son procès le 11 mai, retransmis en direct par la chaîne publique RTNC (Radio-Télévision nationale congolaise). Il est vrai que celui que l’on surnomme le « président-bis », même vêtu de la tunique jaune et bleue des pensionnaires de la prison centrale de Makala où il est en détention provisoire depuis le 8 avril, reste droit dans ses bottes. D’entrée de jeu, il a en effet défendu son rang de directeur de cabinet présidentiel et son image d’intellectuel. Une attitude que certains observateurs ont interprété comme une sorte de condescendance vis-à-vis des juges, mais aussi une pointe d’arrogance. Vrai ou faux, toujours est-il que l’opinion est très partagée. Ses partisans l’ont trouvé combatif et « en forme », alors que ces avocats l’ont présenté comme malade et demandé sa mise en liberté provisoire jusqu’à la reprise des audiences le 25 mai. Comme en avril dernier lors de la première présentation du directeur de cabinet du chef de l’Etat devant les juges, la demande a été rejetée au lendemain de l’ajournement du procès. Mais d’autres observateurs se posent une seule question : Vital Kamerhe n’a-t-il pas d’emblée ruiné ses chances d’être acquitté à l’issue du procès dans plusieurs semaines ou quelques mois ? Car contrairement aux apparences, estime une source proche du dossier, les choses se présentent plutôt mal pour lui dès l’entame du procès.

Pour cette source le patron de l’administration présidentielle n’a pas bien préparé le procès avec ses avocats. Ces derniers ignorent les pièces à conviction accumulées contre leur client au fil des semaines par les juges d’instruction. Par ailleurs, poursuit la même source, les questions posées, le 11 mai, au prévenu par le président du tribunal peuvent, certes, sembler banales, mais vont s’avérer cruciales.« Le fait, par exemple, de demander au prévenu Kamerhe d’expliciter son rôle dans l’exécution du « Programme des 100 jours » s’apparente à un piège qui lui a été tendu. On s’en rendra compte lorsque les juges rentreront dans le vif du sujet ».

Pour un avocat et professeur de droit ayant requis l’anonymat, le patron de l’UNC n’a pas été adroit dans ses réponses. « Il ne se souvient pas, par exemple, avoir déjà rencontré son co-accusé Samih Jammal, dont les sociétés Samibo et Husmal ont pourtant bien bénéficié de deux marchés attribués de gré à gré». Et de s’interroger : « Comment peut-on octroyer de gros marchés de plusieurs dizaines de millions de dollars en procédure de gré à gré sans bien connaître le bénéficiaire ? Sur ce point précis, il a ruiné sa crédibilité. Les juges mettront dès lors en doute tout ce qu’il dira par la suite. D’autant que Samih Jammal a fait aussi don de deux concessions à Soraya Mpiana, la belle-fille de Vital Kamerhe, âgée seulement d’une vingtaine d’années. « Lui, le beau-père, n’était-il toujours pas au courant ? Le fait de mentir sur le Libanais n’a pas été bien réfléchi de sa part. Les pièces sont accablantes pour ce volet de l’affaire. Ce n’est pas crédible de la part du beau-père », tranche l’avocat.

Un autre élément qui risque de peser dans le dossier est le fait pour le tribunal d’avoir aussi obtenu la confirmation du numéro de téléphone de Samih Jammal. Ce qui permettra notamment aux juges de vérifier si ce dernier n’avait pas communiqué auparavant avec son co-détenu. Les opérateurs téléphoniques seront certainement mis à contribution pour vérifier s’il y a bien eu des appels ou un échange de SMS entre les deux hommes, surtout au premier semestre de l’année 2019 quand des retraits massifs d’argent, estimés à plus de 30 millions de dollars, ont été opérés à la Rawbank. En niant catégoriquement avoir déjà rencontré Vital Kamerhe, Samih Jammal le met aussi en mauvaise posture. Car si une des pièces du puzzle judiciaire devait prouver le contraire, cela pourrait alors se retourner contre les deux prévenus.

Dans l’ensemble, le professeur de droit consulté par Enjeux africains, a noté plusieurs petits couacs, pointant notamment la stratégie des avocats du directeur de cabinet du chef de l’Etat. Selon lui, ils n’ont pas bien préparé l’audience du 11 mai, cherchant plutôt à faire un blocage systématique. Il s’attend à une suite du procès compliquée pour celui qui, officiellement, reste le directeur de cabinet du chef de l’Etat, qui ne s’est jamais exprimé sur l’arrestation de son collaborateur et allié de la plate-forme Cap pour le changement (Cach), qui gouverne la RDC, en coalition avec le Front commun pour le Congo (FCC) de l’ancien Joseph Kabila, depuis janvier 2019.

La Rédaction.

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