RDC : L’intérêt croissant de l’Allemagne

A part quelques rendez-vous politiques inévitables, le séjour en Allemagne du président rd-congolais, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo,  du 14 au 16 novembre, a été essentiellement économique. Côté allemand, l’engouement pour la République démocratique du Congo (RDC) ne s’est pas démenti jusqu’à la fin. Certains l’ont même trouvé supérieur à ce qu’il s’est passé quelques jours auparavant à Paris. Il faut dire que la vision allemande sur l’Afrique commence à plaire aux Africains, car elle est d’abord économique. Avec ses excédents commerciaux à faire pâlir d’envie nombre de ses alliés européens, l’Allemagne a les moyens de sa politique. La robustesse de sa santé financière force le respect. L’industrie allemande paraît toujours aussi solide et maintient son avance sur beaucoup de ses concurrents dans divers domaines de pointe. A l’heure où tous les grands pays de la planète et ceux dits émergents se ruent sur le continent africain en déployant une intense activité diplomatique, l’Allemagne mesure ses limites.  Elle a donc entrepris de combler quelque peu son déficit en termes de projection en Afrique.

La chancelière allemande, Angela Merkel, a déroulé cette semaine le tapis rouge pour une douzaine de chefs d’Etat africains. Au menu : une évaluation des efforts réalisés par leurs pays depuis le lancement, en 2017, de l’Initiative du G20 intitulée Compact with Africa.  Celle-ci aide notamment les pays membres à créer les conditions pour attirer davantage d’investisseurs étrangers. Pour mieux accompagner l’implantation des  opérateurs économiques en Afrique et le développement international de leurs activités, l’Allemagne entreprend de réactiver l’équivalent de la Coface (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur) en France ou de Ducroire en Belgique afin de pouvoir leur proposer une assurance-crédit digne de ce nom, les mettant ainsi sur un pied d’égalité avec leurs concurrents sur le terrain. En présentant des opportunités d’investissement aux Allemands, Félix Tshisekedi arrive donc au bon moment. Ces derniers souhaitent que la RDC puisse rejoindre, elle aussi,  les autres pays de Compact with Africa.

Les changements intervenus en RDC, depuis le début de l’année, encouragent les autorités allemandes, à commencer par la chancelière Merkel, à accompagner ce mouvement qui va dans le bon sens. Côté allemand, on se dit même impressionné par la manière dont le nouveau pouvoir rd-congolais tente d’apaiser les tensions politiques et sociales. Le retour des exilés politiques a, par exemple, été salué. Reste à lutter efficacement contre la corruption et à réformer la justice. Mais sans attendre, l’Allemagne prévoit déjà d’organiser, dès l’année prochaine, plusieurs missions économiques dans ce pays. A la suite du voyage à Berlin du président Tshisekedi, une association des entreprises allemandes pour l’Afrique,  Afrika-Verein, ainsi que l’exécutif d’au moins deux Länder parmi les plus riches du pays, la Bavière et la Saxe, projettent d’accroître leur intérêt pour le pays de Patrice Lumumba. Des missions d’opérateurs économiques de ces deux Länder sont annoncées à Kinshasa afin d’évaluer sur place les opportunités d’investissement présentées à Berlin.

Au cours de son séjour berlinois, le chef de l’Etat rd-congolais a reçu plusieurs dirigeants d’entreprises. Ceux de la Deutsche Bank ont réitéré la forte disposition de leur établissement à prendre la tête, comme chef de file, d’un syndicat ou d’un pool bancaire pour apporter des financements au développement du chemin de fer en RDC. Il est notamment question d’y construire 10 000 km de rails à travers tout le territoire. Un projet gigantesque évalué au bas mot à 20 milliards de dollars. Autres dirigeants reçus, ceux de  Siemens, le géant de l’industrie allemande. Ces derniers ne cachent pas leur intérêt pour le mégaprojet du barrage hydroélectrique Inga III. Cette multinationale et sa filiale Voith (déjà impliquée dans la réhabilitation du barrage Inga II) sont dans les starting-blocks pour Inga III. Connaissant l’intérêt du groupe français EDF pour ce même projet, n’allons-nous pas assister à une offre groupée avec Siemens pour constituer un consortium européen aux cotés des groupements d’entreprises chinoise Chine Inga 3 (Three Gorges Corporation) et espagnole ProInga (Cobra Instalaciones y Servicios) ? Un tel scénario n’est envisageable que si EDF et Siemens parviennent à accorder leurs violons, car les deux multinationales restent, malgré tout, concurrentes, notamment pour la fourniture des matériaux comme les turbines. En petit comité, le président Tshisekedi s’est voulu rassurant : «L’ampleur du projet Inga III est tel qu’il y a de la place pour tout le monde.»

La Rédaction

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